Dans son huitième roman intitulé « Le Rêve du pêcheur », Hemley Boum explore les destins de plusieurs membres d’une famille camerounaise sur trois générations. À travers des récits habilement tissés, l’auteure nous plonge dans les vies de ces personnages et nous fait découvrir les différentes épreuves et joies qu’ils rencontrent au fil du temps.
Parcours de l’auteure Hemley Boum
Hemley Boum est originaire du Cameroun, où elle a grandi à Douala. Aujourd’hui résidente en Île-de-France, elle puise dans les souvenirs de sa ville natale pour son dernier roman, « Le Rêve du pêcheur », paru chez Gallimard en janvier. Ce roman retrace les destins de deux hommes, à cinquante ans d’écart, confrontés à la perte de leur pays et à la violence de leur chagrin.
L’histoire de Zacharias
Au bord de l’océan, Zacharias mène une vie de pêcheur dans le village de Campo, au Cameroun. Sa tranquillité est perturbée par l’arrivée d’une société forestière et l’industrialisation de la pêche, bouleversant ainsi son quotidien paisible aux côtés de sa famille. La modernisation enrichit d’abord les habitants du village, puis les exclut progressivement. Zacharias lui-même évolue et change au fil du temps.
Zack, petit-fils de Zacharias, quitte un jour son village natal sans connaître ses racines pour se rendre en France. À l’âge de 18 ans, il se retrouve à la faculté de psychologie de Nanterre, laissant derrière lui sa mère, ses amis Nella et Achille. Zack et Zacharias, bien qu’éloignés l’un de l’autre, partagent un même prénom et une même douleur, donnant ainsi naissance à une narration polyphonique captivante.
La perte de ses racines
« Le Rêve du pêcheur » explore les géographies politiques et intimes des personnages. Hemley Boum raconte le déracinement subi par les habitants de Campo dans les années 1970, ainsi que l’exil du petit-fils du pêcheur en France, loin de ses bases familiales. Zack tente de s’intégrer dans un environnement nouveau, confronté à divers obstacles et formes de racisme.
Construction de l’identité
La France, perçue comme un eldorado, amène Zack à reconsidérer sa propre identité. Tout au long du roman, l’auteure aborde la question de la race, des discriminations et de la recherche d’identité de Zack. « Le Rêve du pêcheur » se présente comme une réflexion sur les traumatismes de l’exil et la construction d’une identité, à travers une narration complexe et l’exploration des liens familiaux.
Ce roman, écrit avec deux voix distinctes, en français et en pidgin camerounais, offre une perspective sur l’importance de l’héritage et de la transmission. Les allers-retours entre passé et présent, entre ici et là-bas, offrent la possibilité d’une réappropriation de soi, de ses rêves et de son histoire.
« Le Rêve du pêcheur » de Hemley Boum (Gallimard, 349 pages, 21,50 euros).
Extrait : « Quand l’occasion de partir m’a été offerte, je me suis enfui. Dans l’avion qui me menait au loin, j’ai eu le sentiment de respirer à pleins poumons pour la première fois de ma vie et j’en ai pleuré de soulagement. On peut mourir mille morts, un peu à la fois, à essayer de sauver malgré lui l’être aimé. J’avais offert à Dorothée mon corps en bouclier, mon silence complice, le souffle attentif de mes nuits d’enfant et en grandissant l’argent que me rapportaient mes larcins, sans parvenir à l’arrimer à la vie. Je pensais ne jamais la quitter, mais lorsque les événements m’y contraignirent, j’hésitai à peine. C’était elle ou moi. Je tranchai pour nous deux. » (Le Rêve du pêcheur, pages 50-51).
