Preuves illicites acceptées aux prud’hommes : enregistrer clandestinement employeur/salarié possible ?

En cas de contentieux, les preuves illicites ou déloyales ne sont plus systématiquement écartées par les conseils des prud’hommes
          Est-il possible d’enregistrer clandestinement son salarié ou son employeur, et de produire cette preuve illicite et déloyale lors d’un procès aux prud’hommes ?

Peut-on se demander s’il est envisageable de procéder à une enregistrement clandestin de son salarié ou de son employeur, afin de présenter cette preuve illégale et déloyale lors d’une audience devant le conseil des prud’hommes ? Cette pratique soulève des questions éthiques et juridiques importantes, notamment en ce qui concerne le respect de la vie privée et le principe de loyauté dans les relations de travail. Il est important de rappeler que la collecte et l’utilisation de preuves obtenues de manière illicite peuvent être sanctionnées par la loi. Il convient donc d’être prudent et de respecter les règles en vigueur en matière de preuves lors d’un litige devant les prud’hommes.

Contentieux entre salarié et employeur

En cas de litige entre un salarié et son employeur, il est désormais possible de présenter des preuves illicites ou déloyales. Les conseils des prud’hommes ne les rejettent plus automatiquement. Sarah Lemoine nous en dit plus.

La jurisprudence évolue

franceinfo : La jurisprudence a récemment changé en la matière ?

Sarah Lemoine : Auparavant, lors d’un litige entre un salarié et un employeur aux prud’hommes, pour un licenciement ou du harcèlement par exemple, le juge écartait systématiquement les preuves obtenues de manière illégale ou déloyale. Par exemple, une conversation enregistrée secrètement sur un smartphone.

Mais depuis le 22 décembre 2023, la situation a changé. Désormais, la Cour de cassation admet que la preuve déloyale ou illicite, qui était déjà recevable au pénal, peut également l’être au civil, donc aux prud’hommes, mais sous conditions strictes.

Les garde-fous à respecter

Quels sont les garde-fous ?

En cas de preuve déloyale, le juge doit vérifier si elle est indispensable, c’est-à-dire s’il n’existe pas d’autres moyens de prouver les faits en question. Par exemple, un document écrit ou un témoin direct. Si c’est le cas, la preuve déloyale ne sera pas retenue.

Le juge doit également évaluer si l’atteinte à la personne mise en cause – notamment à sa vie privée – est proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, comme l’explique Me François Hubert, du cabinet Voltaire Avocats.

La vidéosurveillance illicite en question

Est-ce que cela vaut aussi pour la vidéosurveillance illicite ?

Le 14 février dernier, la Cour de cassation a confirmé cette logique. Dans une affaire concernant une salariée de pharmacie licenciée après avoir été filmée en train de voler par la vidéosurveillance de l’entreprise.

La salariée contestait son licenciement, arguant que l’employeur n’avait pas informé les salariés ou les représentants du personnel de la présence de caméras, ce qui est illégal. « La Cour de cassation a validé cette preuve, considérant notamment que l’employeur n’avait pas d’autre moyen de prouver le vol de la salariée ».

Suspicion généralisée

Avec cette nouvelle jurisprudence, est-ce qu’on n’entre pas dans une ère de suspicion généralisée ?

« Cela va compliquer les relations entre salariés et employeurs, perturber les rapports de travail », estime l’avocate Diane Buisson. Surtout qu’il n’existe pas vraiment de solutions légales pour se protéger d’un enregistrement clandestin.

Installer un brouilleur d’ondes est passible de 6 mois de prison, rappelle son collègue François Hubert. Qui se demande également si d’autres preuves déloyales seront admises à l’avenir devant les prud’hommes. La filature, par exemple, pour vérifier si un salarié en congé maladie travaille pour un autre employeur.

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