Lecture chez les jeunes : déclin selon Jean Viard, sociologue

Les jeunes et la lecture : "On lit beaucoup entre 35 et 65 ans, et aussi quand on est à l'université ; avant et après, il y a un relatif effondrement" estime Jean Viard
          Lire pour le plaisir, c'est de moins en moins une évidence pour les plus jeunes. À l'occasion du festival du livre de Paris, le sociologue Jean Viard revient sur le recul de la lecture chez les jeunes ces dernières années.

Il est de plus en plus rare de nos jours de voir les jeunes lire pour le simple plaisir. Lors du festival du livre de Paris, le sociologue Jean Viard a analysé le phénomène de recul de la lecture chez les jeunes au cours des dernières années.

Le Festival du livre de Paris ferme ses portes avec un constat inquiétant sur la lecture chez les jeunes

Le Festival du livre de Paris fermera ses portes demain soir au Grand Palais Ephémère. Lire pour le plaisir, devient de plus en plus rare chez les plus jeunes, selon une récente enquête réalisée auprès des 7/19 ans pour le Centre national du livre. Jean Viard, vous êtes sociologue, mais aussi éditeur aux Editions de l’Aube.

La baisse de la lecture chez les jeunes

franceinfo : Chez les 16/23 ans, un jeune sur trois ne lit pas du tout sur son temps libre. Ça vous surprend ?

Jean Viard : Il est vrai que dans les lecteurs moyens, notamment les jeunes, il y a un léger recul ces dernières années, sans doute lié au fait qu’ils ont une offre multiple de loisirs. Et puis après, est-ce que l’école s’est mise à faire lire des textes qui aident les jeunes à comprendre le monde dans lequel ils vivent ? On a une culture du classique, donc on fait lire du Racine, du Corneille, du Stendhal, tous grands auteurs français. Ce qui est très bien, mais est-ce que les enfants, les jeunes, les livres qu’ils ont envie de lire ne seraient pas des livres qui parlent de la vie qu’ils ont, de la vie de quartier, de la guerre, des polars d’aujourd’hui, des mangas.

Oui, effectivement, c’est ce qu’ils lisent en priorité, quand il s’agit de lire pour le plaisir, ils se tournent vers des BD et des mangas

C’est vrai que les mangas asiatiques ont un succès énorme et que, du coup, on a une génération mangas qui va dans la librairie, ça vous habitue à utiliser un livre pour vous documenter, je vois ça positivement. Je pense qu’il y a un énorme travail à faire pour que l’école se dise : qu’est-ce qu’a envie de lire un jeune de 12/13 ans, y compris des romans sentimentaux, c’est très à la mode chez les dames par exemple. Donc, c’est une grosse question. Est-ce que l’école doit amener les enfants vers les livres qui sont produits en ce moment par des gens qui essaient d’avoir l’attrait du public ? Quelle place ça a dans leur éducation. Je pense qu’en plus, ça dépend des enseignants, donc il ne faut pas trop généraliser. Et après il y a concurrence d’activités. Avant, dans les milieux populaires, il n’y avait pas de livres, combien de grands écrivains racontent que chez eux il n’y avait aucun livre.

Les défis de la lecture face aux écrans

Donc faisons attention à un mouvement de fond qui est quand même la démocratisation de l’éducation et donc de la lecture. Et la deuxième question, c’est un recul de concurrence entre les loisirs. Et là, le livre a un boulot à faire pour accéder au texte, mais n’oublions jamais que les jeunes lisent de plus en plus sur leur téléphone portable.

Donc ce que vous nous dites, finalement, c’est qu’il ne faut pas nécessairement opposer les livres et les écrans ?

Moi je crains un peu les discours alarmistes, souvent un peu ceux des élites sociales qui disent : mais dans mon milieu, on lit moins, ce qui est vrai, puisque les gros lecteurs ont beaucoup disparu. Donc je suis très sensible à cette question, mais moi je suis aussi sensible à l’autre question, c’est-à-dire parmi les enfants, qui apprend vraiment à lire à un enfant ? Ce sont ses parents, et c’est l’école. Alors les parents, on voit très bien l’influence directe, et l’école, on pourrait peut-être y réfléchir davantage.

Un jeune sur cinq interrogés dans le cadre de cette étude réalisée pour le Centre national du livre, affirme qu’aucun de ses parents ne lit de livres…

Bien sûr, mais quand on dit 1 jeune sur 5, on oublie de dire quel est le niveau d’études des parents. Un enfant d’ouvrier a une chance sur deux de n’avoir jamais vu ses parents lire. Alors 15% seulement des cadres ne lisent pas. La vraie question est sociale. Il y a aussi l’autre au bout du chemin où effectivement on a de plus en plus de retraités qui lisent peu, parce qu’eux mêmes ont fait des études courtes, et au fond n’ont jamais lu.

On lit beaucoup entre 35 et 65 ans, c’est là où on lit le plus, on lit beaucoup quand on est à l’université et puis avant et après, il y a un relatif effondrement. Chez les personnes très âgées, c’est difficile de changer la politique puisque ça relève de leur enfance. Chez les jeunes, les parents doivent se dire, c’est simple, si vous amenez votre enfant une fois par semaine dans une bibliothèque ou dans une librairie et vous lui dites « Achète toi un livre », il y a de fortes chances qu’il devienne lecteur.

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