Inceste : Christine Angot confronte son passé dans le film « Une famille »

Christine Angot : "Ce que je demande, c'est comprendre ce fameux silence de l'inceste"
          L'écrivaine signe son premier film comme réalisatrice avec le magistral "Une famille", documentaire dans lequel elle confronte certains proches à son passé et à ses écrits, et en particulier à l'inceste subi de la part de son père pendant son adolescence. Un film choc et dur, mais qui laisse aussi entrer une jolie lumière.

Dans son tout premier film en tant que réalisatrice, l’écrivaine explore un sujet délicat à travers le documentaire poignant intitulé « Une famille ». Ce film met en scène des membres de sa famille confrontés à son propre passé, mettant en lumière les épreuves qu’elle a traversées, notamment l’inceste subi de la part de son père pendant son adolescence. Malgré la dureté des témoignages, le film parvient à laisser transparaître une lueur d’espoir et de rédemption.

Christine Angot présente un film documentaire bouleversant sur son histoire marquée par l’inceste

Vingt-cinq ans après la parution de son livre, L’inceste, où elle révèle les viols perpétrés par son père durant son adolescence, Christine Angot revient sur le devant de la scène, cette fois-ci au cinéma, avec une œuvre inédite d’une puissance inouïe. Accompagnée par la chef opératrice expérimentée Caroline Champetier et une caméra, elle s’entretient avec plusieurs de ses proches pour tenter de comprendre ce crime qui a marqué son œuvre depuis un quart de siècle. Rencontre avec l’auteure à Paris.

Une idée de film née lors d’une tournée promotionnelle

franceinfo : Vous avez eu l’idée de ce film lors d’une tournée promotionnelle pour votre livre Le voyage dans l’Est en 2021. Cela s’est décidé au dernier moment ?

Christine Angot : Non, pas vraiment… Alors que je finalisais les dernières corrections de mon livre, mon éditeur m’appelle pour me proposer de participer à la rentrée littéraire, deux mois plus tard, pour des séances de dédicaces à Mulhouse, Nancy et Strasbourg. Ces villes de l’Est, et Strasbourg en particulier, étant celle de mon père. Je savais que mon livre était très précis et profond, et j’ai pensé qu’il serait pertinent d’avoir une caméra avec moi, au cas où quelque chose d’important se produirait. Au cas où je pourrais enfin revoir mon demi-frère et ma demi-sœur.

Une démarche réfléchie et improvisée à la fois

La scène où je consulte l’itinéraire pour retrouver la maison de mon père, dans ma chambre d’hôtel au début du film, était à la fois planifiée et spontanée. Tout était une surprise. Il était essentiel qu’il y ait quelqu’un avec moi pour partager ce moment : une rue, un nuage au-dessus de la maison où mon père a vécu et où vit toujours sa veuve. Il était nécessaire que tout cela soit capturé par la caméra, pour apporter une autre dimension à cette quête, au-delà de mes souvenirs et de mon vécu.

La confrontation avec le passé et la famille

S’ensuit une scène où vous sonnez chez la veuve de votre père : elle vous ouvre, mais veut refermer la porte en voyant la caméra. Vous insistez…

Au départ, j’hésite à sonner, craignant d’être une nouvelle fois rejetée par cette famille qui m’a tant manqué. Mais elle m’ouvre la porte, ce qui me remplit de joie. Cependant, elle tente de refermer en apercevant les personnes qui m’accompagnent. C’était inacceptable pour moi que la porte se referme à nouveau. Dans ces moments de détermination, face à ceux qui refusent de parler, une certaine forme de violence peut émerger. Mais qu’est-ce qui est réellement violent ? Ce silence obstiné qui entoure cette question depuis des décennies.

Des confrontations sans empathie

Il est frappant de constater que lors de vos confrontations avec votre ex-belle-mère ou votre mère, vous êtes confrontée à leur manque d’empathie. Elles ramènent tout à elles, en vous donnant l’impression de vous embêter avec vos histoires et vos livres…

Ce qui m’importe, c’est de comprendre leur perspective sur cette histoire. Comment perçoivent-elles les événements ? Quelle est leur propre narration ? C’est ce que j’essaie de découvrir pour comprendre ce silence persistant qui entoure ce sujet délicat.

La puissance du cinéma pour révéler la vérité

Oui, c’est exactement ce que j’ai pensé. Le cinéma permet d’explorer cette vérité de manière approfondie, complexe. Il ne s’agit pas seulement de mettre en lumière la victime de l’inceste, mais également d’examiner les personnes qui gravitent autour. Pourquoi devrions-nous nous concentrer uniquement sur la victime ? Le père reste un personnage central, même s’il est décédé. Sa présence continue d’être ressentie et sa famille veille sur sa mémoire. Il est donc essentiel d’engager le dialogue avec toutes les personnes impliquées.

Des moments de réconciliation et d’apaisement

Les scènes avec votre ex-mari Claude ou votre fille Léonore sont touchantes et apaisées, tendant vers une forme de réconciliation. Les avez-vous vécues de cette manière ?

La scène avec Claude pourrait être universelle, car la relation avec un ex-partenaire, les années passées ensemble, les non-dits, sont des éléments communs à de nombreuses personnes. C’est un sujet profond et indicible. Pouvoir en discuter, évoquer nos vécus, parler de nous, est un moment particulier. Cela peut résonner chez de nombreuses personnes, je pense.

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