Expulsion imam Mahjoub Mahjoubi : loi immigration accélérateur ?

Vrai ou faux



  

  
  

      

  

  
    L'expulsion de l'imam Mahjoub Mahjoubi a-t-elle été accélérée par la loi immigration, comme l'affirme Gérald Darmanin ?
          "Je suis le symbole de la loi immigration, le fusible", a réagi vendredi l'imam de Bagnols-sur-Cèze (Gard), expulsé jeudi soir vers la Tunisie. S'il existe bien une nouvelle disposition permettant de saisir des documents d'identité au domicile de la personne étrangère, la procédure d'expulsion "en urgence absolue" repose principalement sur du droit déjà existant.

Vendredi, l’imam de Bagnols-sur-Cèze (Gard), expulsé vers la Tunisie la veille, a exprimé sa position en tant que symbole de la loi sur l’immigration. Il a souligné qu’il était le « fusible » de cette politique. Cette expulsion a soulevé des questions sur la nouvelle disposition qui autorise la saisie des documents d’identité au domicile des étrangers. Cependant, il est important de noter que la procédure d’expulsion « en urgence absolue » repose essentiellement sur des lois déjà en vigueur.

Une expulsion rapide grâce à la loi immigration

Une expulsion extrêmement rapide. Visé par une enquête préliminaire pour apologie du terrorisme et des prêches radicaux, l’imam de Bagnols-sur-Cèze (Gard), Mahjoub Mahjoubi, a été expulsé « moins de 12 heures après son interpellation », s’est félicité Gérald Darmanin sur le réseau social X, jeudi 22 février. « C’est la démonstration que la loi immigration, sans laquelle une telle expulsion aussi rapide n’aurait pas été possible, rend la France plus forte », a-t-il assuré.

Quelques heures plus tôt, le ministre de l’Intérieur précisait que l’imam avait « fait l’objet d’une visite domiciliaire et d’une interpellation » permise par la loi immigration, en vigueur depuis fin janvier. L’imam a été arrêté jeudi sur la base d’un arrêt ministériel d’expulsion, puis expulsé vers la Tunisie. Il lui est notamment reproché dans cet arrêt, que franceinfo a pu consulter, de véhiculer « une conception littérale, rétrograde, intolérante et violente de l’islam » encourageant « des comportements contraires aux valeurs de la République », ainsi que des « propos discriminatoires à l’égard des femmes », et à l’égard des juifs. Depuis plusieurs jours, l’imam nie avoir tenu des « propos violents, discriminants, contraires aux valeurs de la République », a expliqué son avocat sur BFMTV jeudi.

Les nouvelles dispositions de la loi immigration

Lorsque les autorités se sont présentées au domicile de l’imam Mahjoub Majoubi jeudi, elles ont pu confisquer son passeport tunisien. Il s’agit de la « visite domiciliaire » évoquée par le ministre de l’Intérieur, l’une des nouvelles dispositions de la loi immigration, entrée en vigueur le 28 janvier, et intégrée à la nouvelle version de l’article du 733-7 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). « Sur demande motivée de l’autorité administrative, le juge des libertés et de la détention peut également autoriser, par la même décision, la visite du domicile de l’étranger aux fins de rechercher et de procéder à la retenue de tout document attestant de sa nationalité », précise le texte de loi.

Cette modification du Code « permet la saisie du passeport à domicile, tout de suite. On peut mettre la personne dans l’avion immédiatement vers le pays de destination retenu par la décision », illustre Aurélien Desingly, avocat à Charleville-Mézières (Ardennes). Dans ce sens, l’expulsion de l’imam a bien été accélérée par la nouvelle loi immigration.

La procédure d’urgence absolue

Mahjoub Mahjoubi a quitté le sol français en 12 heures. Si l’expulsion s’est faite si vite, c’est également grâce à « l’urgence absolue », prévue par l’article L.632-1 du Ceseda. En réalité, cette procédure de l’urgence absolue « existe depuis plus d’un demi-siècle », relève Stéphane Maugendre, avocat et président d’honneur du Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) auprès de franceinfo. Elle avait déjà été introduite dans la loi française avec la loi du 10 janvier 1980 relative à la prévention de l’immigration clandestine, dite « loi Bonnet », abrogée l’année suivante par François Mitterrand. Elle avait ensuite été intégrée au Ceseda en 2005 et entérinée par une décision du Conseil constitutionnel de 2016.

Afin de caractériser cette urgence absolue, dans le cas de Mahjoub Mahjoubi, le ministère de l’Intérieur a invoqué dans son arrêté des « propos appelant à la haine envers les juifs et Israël et faisant l’apologie du jihad » pouvant « inciter des adeptes de l’intéressé à passer à l’acte violent », alors qu’il existe « une menace terroriste particulièrement élevée » à la suite des attaques du 7 octobre du Hamas contre Israël.

Les avocats spécialistes du droit des étrangers interrogés

Son départ a-t-il été facilité par la loi immigration ? Franceinfo a interrogé plusieurs avocats spécialistes du droit des étrangers.

La loi immigration a pu faciliter la tâche

« La seule petite nouveauté dans la loi immigration [en matière de rapidité de la procédure d’expulsion], c’est la possibilité de prendre le passeport de manière autoritaire sans l’accord de la personne lors de la visite domiciliaire », juge Aurélien Desingly. Concrètement, « le ministre a raison en disant que la loi immigration a changé quelque chose. Pour autant, ce changement n’est que marginal », estime-t-il.

Pour l’avocat Denis Seguin, interrogé par franceinfo, « la nouvelle version du texte la loi immigration a pu faciliter la tâche » en modifiant l’article L.631-3 du Ceseda. La loi a permis, selon l’avocat, « d’élargir le champ d’application » des cas dans lesquels un étranger peut être expulsable, avec l’ajout de la mention « violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République ». Cet article a en effet été invoqué dans l’arrêt ministériel d’expulsion de l’imam Mahjoubi.

« Je me battrai pour retourner en France où je vivais depuis quarante ans. » Joint au téléphone depuis la Tunisie où il a été expulsé, l’imam Mahjoub Mahjoubi a dénoncé vendredi une décision « arbitraire » et a déclaré qu’il allait saisir la justice en France. « Si le tribunal ne me rend pas justice, je ferai appel, et ensuite je ferai un recours devant la Cour européenne » des droits de l’homme, a-t-il expliqué à l’AFP. « Je n’ai pas insulté la communauté juive ni le drapeau français », a encore affirmé l’imam.

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