Documentaire marocain : « La Mère de tous les mensonges » plonge dans l’histoire douloureuse du pays

"La Mère de tous les mensonges" : le documentaire de la cinéaste marocaine Asmae El Moudir plonge dans l'histoire douloureuse de son pays
          Une version miniature de son quartier de Casablanca pour raconter une histoire à la fois personnelle et collective. "La Mère de tous les mensonges", le film d'Asmae El Moudir, trouve sa force dans l'originalité de la reconstitution d'un récit douloureux.

Le film « La Mère de tous les mensonges » réalisé par Asmae El Moudir nous plonge dans une version réduite du quartier de Casablanca, où se déroule une histoire à la fois intime et universelle. L’originalité de ce film réside dans la manière dont le récit douloureux est reconstitué, offrant ainsi une perspective unique sur les mensonges et les secrets qui peuvent peser sur une communauté. Grâce à cette approche novatrice, le réalisateur parvient à captiver le spectateur et à lui faire vivre une expérience cinématographique riche en émotions.

Le Mensonge Familial

Le documentaire « La Mère de tous les mensonges » d’Asmae El Moudir, réalisatrice marocaine, a remporté le prix de la mise en scène à Un Certain Regard lors du dernier Festival de Cannes. Ce film sort en salles le mercredi 28 février. L’histoire commence avec une jeune fille de Casablanca qui, à l’âge de 12 ans, décide de se faire prendre en photo, n’ayant aucune image d’elle auparavant.

Pour comprendre cette absence, elle interroge sa mère et sa grand-mère, qui ne tolèrent que la photo de Hassan II, ancien roi du Maroc, dans leur maison. Son questionnement s’étend ensuite à ses parents et ses voisins, dans un endroit insolite.

Une Reconstitution Familiale

Aidée par son père Mohammed, maçon-carreleur populaire dans la médina de Casablanca dans les années 1960, Asmae El Moudir recrée en miniature son quartier et les personnages qui y habitent. Ces personnages sont impliqués dans un récit dont la réalisatrice est la narratrice. Entre la réalité et la maquette de sa maison d’enfance, des souvenirs dramatiques liés aux « Émeutes du pain » du 20 juin 1981 à Casablanca refont surface, révélant que la répression aurait fait 600 morts, dont certains proches de la famille El Mounir.

Comment raconter une histoire enfouie dans la mémoire des individus qui l’ont vécue ? Asmae El Moudir propose une réponse originale en créant des alter ego miniatures de ses proches, vêtus par sa mère Ouarda, et une maquette pour leur permettre de prendre du recul et aborder des souvenirs douloureux. Sa grand-mère, surnommée « la dictatrice » et scrutée par la caméra de sa petite-fille, a érigé des barrières pour se protéger des souvenirs, mais le dispositif narratif commence à les fissurer.

La cinéaste utilise des angles de vue inhabituels, comme des prises de vue par en dessous, pour révéler une vérité cachée, tout comme elle-même surgit dans son décor miniature. Cette approche rappelle les commissions de vérité et réconciliation dans certains pays, visant à permettre aux victimes de partager et surmonter une tragédie collective par la parole.

L’abstraction utilisée par Asmae El Moudir donne à sa quête de vérité une puissance incroyable. Dans « La Mère de tous les mensonges », la simplicité ne diminue en rien la complexité de l’histoire. À l’instar de réalisateurs comme Rithy Panh et son film « L’Image manquante » sur les atrocités des Khmers rouges au Cambodge, la réalisatrice marocaine souligne l’importance de se méfier lorsque des photos manquent.

La Fiche Technique

Genre : Documentaire
Réalisatrice : Asmae El Moudir
Distribution : Zahra Jeddaoui, Mohamed El Moudir, Ouardia Zorkani, Abdallah EZ Zouid, Said Masrour et Asmae El Moudir
Pays : Maroc, Égypte
Durée : 1h37
Sortie : 28 février 2024
Distributeur : Arizona Distribution

Synopsis : Casablanca. La jeune cinéaste Asmae El Moudir cherche à démêler les mensonges qui se transmettent dans sa famille. Grâce à une maquette du quartier de son enfance et à des figurines de chacun de ses proches, elle rejoue sa propre histoire. C’est alors que les blessures de tout un peuple émergent et que l’histoire oubliée du Maroc se révèle.

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